Samira Ibrahim“ Les Égyptiennes sont le secret de la révolution. Ce sont les femmes qui ont transmis le message sincère et clair de la révolution. Ce sont les femmes qui ont le plus souffert dans la révolution.” Samira Ibrahim est sans aucun doute l'activiste égyptienne la plus célèbre. Elle a entamé une action en justice condamnant les tests de virginité sur les manifestantes pendant la révolution. Samira a été désignée par le Time comme une des cent personnes les plus influentes en 2011. |
Samira parle du passé, du présent et du futur des femmes en Égypte. Site Internet : http://samiraibrahim.wordpress.com/ Twitter : @SamiraIbrahim4 Sur les médias sociaux : http://www.tumblr.com/tagged/samira-ibrahim |
Entrevue
Interviewée en arabe au Caire le 5 mai 2012 par Tatiana Philiptchenko.
Traduction en anglais par Nouhaymane Amahrit et Tatiana Philiptchenko. Traduction et adaptation vers le français par Anthony Le Parc. Révision et correction par Christine Brien Kilian. Q : Samira, depuis quand êtes-vous une activiste politique et pourquoi avez-vous décidé de vous impliquer en politique ? J'ai commencé à m'engager politiquement à 15 ans en 2003. C'était lors d'un meeting sur Jamaa Al Arabiya et l'ancien président Moubarak. J'ai dit à l'audience ce que j'avais à l'esprit, mais ce n'était pas ce à quoi ils s'attendaient : ils pensaient que j'allais lancer des fleurs au gouvernement, au contraire j'étais très critique. Q : Vous êtes célèbre en Égypte maintenant, comment cela est-il arrivé ? Peut-être parce que je suis engagée en politique depuis longtemps et que j'ai toujours eu des problèmes avec les autorités. Dans un premier temps, c'était avec le régime de Moubarak et ensuite avec les autorités militaires. En fait, je suis toujours en conflit avec les autorités de ce pays. Q : Que s'est-il passé l'année dernière ? Votre vie a-t-elle changé ? Ma vie n'a pas vraiment changé. J'aime la politique et il y a toujours de la nouveauté. J'aime le changement et je veux continuer à être activiste. Q : Donc vous vous considérez comme une activiste ? Oui, en raison de mes nombreuses activités dans le domaine. J'ai créé différents mouvements ; l'un d'entre eux est un mouvement dédié aux femmes, traitant tout particulièrement du harcèlement sexuel et du viol. Il y a beaucoup de viols en Égypte, mais personne n'en parle. Donc nous essayons de parler de ce sujet, et en parallèle nous essayons de donner à la femme égyptienne un rôle politique, car, ici, le pouvoir (le gouvernement) considère la femme comme la dernière roue du carrosse : elle vient après l'homme, après l'animal et après l'objet. Nous essayons donc d'initier la femme à la politique pour que la situation des femmes s'améliore et devienne identique à celle de l'homme. Q : D'après vous quel a été l'évènement le plus important de 2011? L'évènement le plus important fut la révolution égyptienne. Ce dont je me souviens le plus c'est du 26 janvier 2011. C'était le jour de mon arrestation. Ils nous ont mis dans une pièce fermée, et nous ont aspergés de gaz lacrymogènes. En ce qui me concerne, le danger était partout et le danger continue d'être partout maintenant avec la révolution. Q : D'après vous, qu'est-ce qui doit changer en Égypte ? Nous avons le devoir d'élever une nouvelle génération qui sera plus éduquée que les générations précédentes. Nous devons également modifier l'éducation de nos enfants pour qu'ils soient différents. Q : Comment voyez-vous votre futur ? Je me vois écrivaine. J'aime écrire et lire. Je me vois dans l'arène politique. Mes positions seront plus fortes et je défendrai les droits des femmes. Je veux que les Égyptiennes aient leurs droits. Je veux que mon pays accepte que la femme soit l'égale de l'homme. Je veux que la femme soit autant engagée en politique que l'homme. (lire la suite à droite) |
Q : À votre avis, quelles sont les raisons qui empêchent les droits des femmes de progresser actuellement ?
Les organisations féminines ne travaillent pas assez sur le terrain. Elles n'ont pas un rôle décisif. Dans ce contexte, je ne vois pas leur raison d'être. Q : Pourquoi ? Je l'interprète comme de la paresse. Elles n'ont pas (les organisations féminines) la volonté d'aller sur ce terrain, de rencontrer des gens et de collaborer avec eux. Pour moi, c'est comme si ces organisations féminines n'existaient pas. De plus, il y a eu une campagne réussie appelée “ Menteurs ”, “ Militaires menteurs ” ... où les citoyens, organisateurs de la campagne, ont installé des écrans géants pour passer les vidéos des procès organisés par l'armée. Ces vidéos ont été montrées dans tout le pays. La plupart des organisateurs étaient des femmes très fortes. Le slogan de la campagne était : “ nous ne cacherons rien ”. C'était très dangereux à faire, car dans les secteurs les plus pauvres, il était facile pour les opposants d'engager des voyous pour frapper les organisateurs ou créer le chaos. Q : Vous considérez donc que la situation de la femme en Égypte n'est vraiment pas bonne ? Oui, je considère que la situation des Égyptiennes n'est vraiment pas bonne. L'Égypte est une nation sexiste qui ne peut concevoir que la femme puisse jouer un rôle dans la société. Pour obtenir ce rôle, les femmes doivent constamment se battre. Il y a aussi le courant islamique qui ne souhaite pas voir les femmes jouer un rôle. Les Égyptiennes sont le secret de la révolution. Ce sont les femmes qui ont transmis le message sincère et clair de la révolution. Ce sont les femmes qui ont le plus souffert dans la révolution. Q : Y a-t-il des jours où vous vous sentez découragée et où vous envisagez d'arrêter le combat ? Non. Plus forte est la pression, plus grands sont le défi et la motivation, par conséquent mon désir de résister grandit. Q : Vous avez eu beaucoup de problèmes cette dernière année. N'avez-vous pas peur ? Non, je n'ai pas peur. Je crois en cette cause. Et quand vous croyez en quelque chose, vous ne pouvez pas avoir peur. Q : Quelle cause ? La cause de l'Égypte en général. Guider l'Égypte vers la sécurité est la plus grande cause. Il y a aussi la cause de la femme, la cause de la société. C'est dans toutes ces causes auxquelles je crois, il est donc impossible pour moi d'avoir peur. Q : Votre famille vous soutient-elle ? Ma famille me soutient énormément, mais pas mes amis, car j'ai eu un gros problème : tout le monde avait peur, c'est pour ça. |